Depuis sa création en 1959, quelles sont les missions de l’Ecole Militaire Interarmées ?
Je voudrais, tout d’abord vous remercier de l’opportunité que vous m’offrez une fois de plus de parler de l’Ecole Militaire interarmées (EMIA), en cette circonstance où cette institution livre sa 37ème cuvée d’officiers. Je reste également conscient de ce que l’EMIA est, de plus en plus, source de curiosité et attire par là même, nombreux de nos concitoyens désireux de s’engager dans le métier des armes. Ceci dit, pour répondre à votre question, je dirais que l’EMIA est, aux termes du décret n°2004/ 180 du 1er juillet 2004 portant réorganisation de l’Ecole Militaire Interarmées, un établissement de formation militaire chargé:
• De la formation initiale des élèves officiers;
• Du perfectionnement des Officiers des Armées et de la Gendarmerie nationale;
• De l’imprégnation des Officiers issus des rangs;
• De la formation des Officiers en opérations de maintien de la paix.
Est-ce qu’on peut avoir le cycle détaillé de la vie d’un EOA de l’année probatoire à la dernière année?
La formation d’un EOA, de manière générale, se déroule en trois années consécutives au sein de l’Ecole Militaire Interarmées de Yaoundé:
• L’année probatoire, entièrement délocalisée sur un site approprié, vise à faire acquérir aux jeunes élèves officiers, les fondamentaux de la vie du militaire et du soldat. A l’issue, ils doivent être aptes à commander un groupe de combat.
• Au terme de la première année qui se déroule essentiellement dans l’enceinte de l’EMIA, les élèves-officiers doivent acquérir des connaissances tactiques et techniques, leur permettant de commander une section de combat d’infanterie.
• La deuxième année a pour objectif, la consolidation des connaissances générales et militaires indispensables à tout jeune officier pour appréhender le contexte et l’environnement dans lesquels il est appelé à remplir ses missions.
La Promotion «Général de Division Kodji Jacob» triomphe ce 24 janvier au terme de 36 mois de formation. Comment pouvez-vous résumer le passage de cette autre promotion dans l’Ecole que vous dirigez ?
La promotion «Général de Division Kodji Jacob» aujourd’hui à l’honneur, ne s’est pas particulièrement distinguée des promotions antérieures. C’est nous qui donnons le ton à la formation en observant une kyrielle de textes qui en constituent les garde-fous, et bien entendu sous l’égide de la Haute Hiérarchie. En tout état de cause, je garde le souvenir d’une promotion certes nombreuse, mais qui regorge des potentialités physiques, intellectuelles et morales pour se mettre au service de la Patrie.
Quelles sont les grandes manœuvres enregistrées au cours de la formation de cette Promotion ?
Les grandes manœuvres, il y’en a plusieurs. Je cite quelques-unes: – La marche de 100 kilomètres en année probatoire; – La manœuvre ‘‘Alligator’’ qui se déroule sur les côtes littorales du Cameroun, en coopération avec les Forces de notre Marine Nationale, est en réalité une opération amphibie. Après le débarquement, une marche d’infiltration de jour et de nuit s’en suit, sur une boucle de plus de 100 kilomètres, à la recherche d’un ennemi imaginaire, en vue de sa capture ou de sa neutralisation. – L’ascension du mont Cameroun. II faut préciser que les 02 dernières manœuvres sont effectuées en 2ème et dernière année de formation.
Parmi ces différentes manœuvres, laquelle vous a semblé la plus difficile ?
Cette question mérite d’être posée aux futurs officiers eux-mêmes. Mais je dois dire qu’à travers chaque manœuvre, il y’a un objectif pédagogique à atteindre. Et tous ces exercices comportent des risques dont l’aboutissement est justement le triomphe que nous célèbrons aujourd’hui.
Comment est constituée cette Promotion, en termes d’effectifs et de répartition par troncs ?
L’effectif initial de la Promotion « Général de Division KODJI Jacob » était de 286 élèves officiers d’active répartis comme suit: – Tronc A (Jeunes gens issus du civil titulaires d’un BACC + au moins un an de succès dans une université ou grande école): 133; – Tronc B (Anciens sous-officiers titulaires d’au moins un BACC): 56; – Tronc C (Jeunes gens issus du civil titulaires d’au moins une licence ou d’un diplôme équivalent): 76; – Tronc D (Jeunes gens issus du civil titulaires d’un doctorat en médecine ou en pharmacie): 21 Il faut relever que les officiers issus des troncs B et D sont déjà sur le terrain car leur formation est plus courte à cause de leur statut de base. Seuls prennent part au triomphe, les aspirants des troncs A et C. Je précise également la présence au sein de cette promotion de 16 EOA des pays frères et amis du Cameroun qui ont achevé avec succès leur formation et sont rentrés dans leurs pays d’origine. Cette courbe croissante de la sollicitation dans le domaine des pays frères et amis est une preuve palpable du rayonnement de l’EMIA en tant qu’institution de référence continentale.
Bien évidemment, il y’a aussi les retours d’expérience qui nous parviennent des théâtres d’opération et qui commandent la réorientation des programmes de formation. Je puis vous certifier que rien n’est fait au hasard a l’EMIA.
Y a-t-il des innovations à noter dans le cadre de la formation de la 37ème promotion ?
Bien sûr qu’il y a des innovations, je voudrais citer par exemple:
• Le stage d’initiation aux techniques commandos qui se scinde désormais en 02 modules. Le premier a lieu au CI/BIR de Man’O War Bay en fin d’année probatoire. Le second se déroule au BTAP de Koutaba, vers la fin de formation.
• Le stage d’initiation aux techniques de combat en zone forestière au CEAF de Motcheboum.
• Le stage d’initiation aux techniques de combat en zone sahélienne au CEAS de Mindif
• Le stage de directeur de mise en œuvre des explosifs et Officier de lutte contre les IED au CSIAP/GEN
• Le stage d’initiation à la lutte antiterroriste et aux techniques de la contre insurrection au CI/BIR Je ne terminerai pas sans mentionner également l’accent mis sur la sensibilisation aux Droits de l’Homme, au Droit International Humanitaire et à la promotion du bilinguisme (anglais et français), auxquels d’importants volumes horaires sont consacrés. En somme, nous continuons de prospecter avec le soutien bienveillant du Haut Commandement.
Depuis quelques temps on parle de réadaptation de la formation militaire au contexte sécuritaire actuel, qu’est ce qui est fait au niveau de l’Emia pour que les futurs officiers soient à la page ?
Question très pertinente. Pour y répondre, je dois dire que la menace se conçoit et la riposte se planifie. Nous avons mis en place, depuis quelques années, sous l’impulsion du Haut Commandement, une vaste refonte des programmes d’instruction qui riment avec la typologie des menaces sécuritaires auxquels le pays est ou peut être éventuellement confrontés.
Quels conseils pouvez-vous prodiguer à ces officiers qui seront bientôt projetés sur le terrain?
D’abord, la discipline qui constitue le socle de la carrière d’un militaire. Ensuite, Voltaire avait dit: «le travail éloigne de nous trois grands maux: l’ennui, le vice et le besoin». Le travail est un facteur de succès que je recommande vivement aux futurs lauréats. Enfin, l’humilité qui est un facteur de succès, non seulement dans les rapports entre les militaires, mais aussi et surtout dans le lien «Armée-Nation».