Par Stake experts
Avec un peu moins de 1700 kilomètres, la bande frontalière séparant le Cameroun et le Nigeria est l’une des plus longues des deux pays. Les régions camerounaises du Nord-ouest, du Sud-ouest, de l’Adamaoua, du Nord et de l’Extrême-nord y sont adossées ; de même que les états du Cross River, du Taraba, de l’Adamawa et du Borno côté Nigérian. La géographie du risque sécuritaire établit plusieurs zones de conflit interconnectées dans la region. Il s’agit au sud, des régions du Nord-ouest et du Sud-ouest côté camerounais, et de l’état du Cross River côté nigérian. Le conflit séparatiste anglophone au Cameroun a créé depuis 2017 au moins, une connexion par pragmatisme entre les groupes armés indépendantistes d’un côté et les groupes armés du Delta du Niger de l’autre côté de la frontière, qui mènent une lutte à rebondissements contre les autorités nigérianes, depuis les années 70. Plus au nord, les régions du Nord et de l’Extrême Nord au Cameroun et les états nigérians frontaliers de l’Adamawa et du Borno subissent depuis les années 2010, les attaques répétées des terroristes de Boko Haram puis de l’État islamique en Afrique de l’ouest (ISWAP). Dès lors, l’hypothèse d’une ultime connexion entre les deux zones de crises n’est pas à écarter.
La limite nord des régions anglophones du Cameroun se trouve à un peu plus de 150 kilomètres en ligne droite, de la limite sud de l’état nigérian d’Adamawa. L’état de Taraba qui sépare les deux régions présente des caractéristiques proches de celles de l’Adamawa : faible présence militaire et nombreuses zones rurales notamment, qui avaient largement facilité l’avancée des terroristes de Boko Haram au plus fort du conflit, en 2013-2014. Au plan stratégique, l’on sait que les groupes armés (majoritairement chrétiens et animistes) du Delta du Niger restent fortement hostiles aux terroristes de Boko Haram qui de leur côté, n’ont d’ailleurs pas exclu l’idée d’un affrontement direct avec eux. Pour autant, loin d’écarter l’hypothèse d’une connexion des deux régions, cette opposition pourrait la favoriser. En effet, les plus de 8 100 kilomètres carrés que recouvrent la réserve naturelle de Gashaka Gumti (côté nigérian) pourraient être l’espace de cette connexion fut-elle conflictuelle. Le trafic des ressources fauniques dont elle regorge est une perspective rendue désormais plausible depuis le déclenchement du conflit séparatiste anglophone, puisque les régions anglophones sont les plus proches de la frontière sud de l’État de l’Adamawa, en passant par la réserve naturelle de Gashaka Gumti. Trafics donc, mais aussi possibilité de voler des armes à leurs ennemis vaincus ; à la fois les groupes armés du Delta du Niger et les milices séparatistes au sud, et les combattants terroristes de Boko Haram et de l’ISWAP au nord pourraient désormais trouver un intérêt économique à utiliser les limites est de l’état du Taraba (Nigeria) et ouest de la région de l’Adamaoua (Cameroun) comme espace d’affrontement. Cela contribuerait à transformer toute la bande frontalière entre les deux pays en « zone grise » sanctuarisée par divers groupes armés et criminels de la région.
Source:https://stakeexperts.com/zone-grise-securitaire-en-formation-frontiere-cameroun-nigeria/