Sa villa du quartier de l’Hippodrome de Yaoundé, qui jouxte (cocasse coïncidence) la Cour des comptes, est devenue l’un des poumons du pouvoir, tandis qu’Adolphe Moudiki passe de plus en plus de temps à Paris. La
« deuxième dame » du pays est l’une des cadres du Cerac, cette association où peuvent se faire et se défaire les destins.
Intime de la première dame s’il en est, elle en partage les confidences et, en partie, l’influence à la présidence auprès du directeur de cabinet adjoint, Oswald Baboke, et du secrétaire général, Ferdinand Ngoh Ngoh, lequel est par ailleurs comme ses prédécesseurs président du conseil d’administration de la SNH. Cela ne l’a toutefois pas empêché de tenter à plusieurs reprises de pousser Adolphe Moudiki vers la sortie.
Les Moudiki, éternels ?
La reine de la SNH joue également de ses liens familiaux. De par ses origines du Sud, elle est proche de Samuel Mvondo Ayolo, le directeur de cabinet de Paul Biya, lequel garde un souvenir ému de son père Émile, qui fut longtemps son confident. Son frère aîné, Éric, est en outre un proche de Franck Biya, le fils du chef de l’État, et discute volontiers affaire avec Lionel, celui de l’ancien ministre Alain Edgar Mebe Ngo’o. Le cadet, Christian Franck Nsom Engamba, a aujourd’hui moins bonne presse. S’il était jusqu’à il y a peu les yeux et les oreilles de sa sœur et de son beau-frère à la SNH, il a récemment été limogé de la société pétrolière et est accusé d’avoir détourné quelque 500 millions de francs CFA. Il ne fait pour le moment l’objet d’aucune procédure judiciaire.
Les Moudiki sont-ils éternels ? L’âge du patriarche invite à la prudence. À presque 83 ans, Adolphe Moudiki s’est éloigné de la SNH. Plusieurs fois, il a même formulé auprès de Paul Biya le souhait de prendre sa retraite. Des noms de successeurs potentiels – parfois soufflé par Ferdinand Ngoh Ngoh – ont même circulé : Bernard Bayiha et Jean-Jacques Koum, évidemment, mais aussi Oscar Matip, ex-directeur général des Mines, Perrial Jean Nyodog,
voire même Laurent Esso, le ministre de la Justice.
UNE DÉMISSION SERAIT VUE COMME UNE TRAHISON
Chaque fois, le chef de l’État, qui compte ses hommes de confiance, ces « taiseux » de la République, sur les doigts d’une main, a remis à plus tard. Il a jusqu’ici ignoré les appels du FMI à revoir l’organisation de la
SNH et à faire un peu plus de lumière sur l’utilisation de ses fonds. Paul Biya tient au secret et à l’ombre, dans lesquels il se plaît lui-même à évoluer.
« Adolphe Moudiki est trop important pour lui. Il a beau avoir voulu démissionner, c’est impossible sans l’accord du chef de l’État : ce serait vu comme une trahison. Le poste est bien trop important car Moudiki est tout simplement le gardien du coffre-fort de la République », résume un ami proche du grand argentier.
Cet intime ajoute, pour appuyer son propos : « Avec la SNH, Moudiki a versé plus de 5 000 milliards de francs CFA à l’État en un peu plus de dix ans ». « L’important, ce sont les fonds spéciaux, dans lesquels la présidence puise abondamment pour financer le Bataillon d’intervention rapide [BIR, forces spéciales sous l’autorité du secrétariat général de la présidence], voire des voyages privés du chef de l’État », complète un habitué du palais. Ce dernier
conclut : « Moudiki, même diminué, même à Paris, c’est l’assurance de pouvoir disposer de la SNH sans
qu’aucune question ne soit posée. Il n’y a pas plus précieux./.